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Tu as tué ton enfant

Vendredi, 7 novembre 2014

C’est l’été, il fait beau, je pensais aborder un sujet léger. Mais depuis quelques jours, je pense à toi, à lui…
J’ai capté un bout de votre histoire un matin, à la radio. Aucun détail. Je savais seulement qu’un papa et son fils étaient morts, frappés par un train.

Terrible accident…

Puis, j’ai entendu parler de « geste désespéré ». L’« accident » était donc en fait provoqué. Premier réflexe : compassion. IL faut vraiment être en plein cauchemar pour en arriver à ça. Seconde réflexion : Si tu t’en étais sorti, comme Guy Turcotte, aurais-je ressenti de la compassion?

Surtout après avoir lu que ton ex s’était retrouvée en centre pour femmes violentées. Après avoir entendu votre histoire de présumée guerre parentale suite à votre séparation. As-tu voulu prendre le contrôle ultime? Lui enlever ce qu’elle pouvait avoir de plus précieux au monde, son fils? As-tu plutôt voulu protéger ton garçon, pensant que puisque tu n’arrivais plus à vivre, personne ne pourrait prendre bien soin de lui? Certains diront que tu étais un père triste de n’avoir « que » le classique une fin de semaine sur deux, semaine de vacances estivales, etc. avec ton fils. Tu venais d’obtenir ça de la Cour… Je ne sais pas si tu étais au courant, mais des centaines de pères et de mères aussi, vivent avec cette foutue fin de semaine sur deux. Ils la vivent et leurs enfants restent en vie. Je veux bien croire toutefois que tu as pu vivre un état de crise. Ce sentiment terrible qui dure quelques heures ou quelques jours et qui nous fait croire que tout est fini, qu’il faut « passer à l’acte » pour ne plus souffrir ainsi. Mais détresse, gouffre, panique ou pas, tu avais la possibilité de ne pas entrainer ton enfant avec toi dans la mort.

Je peux comprendre qu’un parent en détresse pense à « partir » avec son enfant. Qu’il croit, l’espace de quelques minutes, être la seule personne apte à bien s’occuper de lui. Mais on n’est pas en temps de guerre, on ne vit pas dans un pays qui aurait laissé ton fils survivre dans un fossé ou être vendu comme esclave. Tu avais le temps de reculer. De sortir ton enfant de ta voiture avant de te planter sur la track… Quitte à le laisser à un des conducteurs que tu as dépassé… Certains parents l’ont déjà fait. Choisir de mourir, penser de prime abord tuer aussi leur enfant et changer d’idée à la dernière minute. Choisir la mort pour eux, laisser la vie au petit… Il n’avait rien fait ton petit… Il était tout jeune (15 mois!), il avait la vie devant lui. Il ne souffrait pas d’une maladie incurable, tu n’as pas agi par compassion.

Ce genre de nouvelle nous fait toujours surchauffer le cerveau. On ne peut rester insensible au sort d’un enfant. On se demande qui aurait pu empêcher ça et comment. Comme société, avons-nous un pouvoir là-dessus? Les filicides ont toujours existé. Leur nombre serait stable depuis un moment au Québec… une demi-douzaine annuellement… Comment faire en sorte qu’il n’y en ait plus du tout? Ce genre de nouvelles nous crève le cœur aussi. Il y en aura toujours pour dire de demeurer objectif, de ne pas s’enflammer… Que c’est compliqué, ces histoires, qu’on ne connait pas tout de leur vie, etc.

Selon moi, c’est pas parce que c’est compliqué qu’il ne faut pas tenter d’agir, d’empêcher ça. Et c’est pas parce que ton histoire était éventuellement compliquée que ça te donnait le droit de mort sur un enfant. C’est pas l’histoire qui fait qu’un individu choisit de tuer ou de ne pas tuer. Car plein de gens ont des vies encore plus dures que la tienne ne l’a été. Est-ce une question de personnalité fragile, d’intolérance à la perte de contrôle, de problèmes de personnalité, comme le mentionne la chercheuse Suzanne Léveillée dans cet article intéressant sur le sujet?

Mais bref, comme on me le dira et redira, je ne te connais pas et je n’ai pas le droit de te juger. Mais j’ai le droit d’être profondément peinée pour la vie que tu as volée à ton petit bonhomme, de façon assez préméditée pour t’arrêter en toute connaissance de cause sur la voie ferrée… J’ai le droit d’espérer que notre société cherche de toutes ses forces une façon de prévenir ce genre d’actions… Je ne sais pas comment on pourra trouver la solution, mais il faut essayer encore et encore… (J’ose émettre l’idée de cesser de laisser un parent reconnu coupable de violence être seul avec un enfant…)

Il faut protéger tous nos petits Nicolas… Et les parents comme toi? Je préfère me taire…